Les relations sociales, un pilier de la créativité ?

Dans notre monde en constante évolution, l’innovation devient un objectif clef pour les entreprises. Née de la créativité des employés, elle incite à se pencher davantage sur les facteurs permettant son émergence. L’un des plus importants concerne les relations sociales entretenues par les salariés.

En effet, la créativité apparait avant tout par l’échange des points de vue, des idées et des perspectives des personnes. La confrontation de ces éléments met les salariés face à des informations nouvelles et parfois contraires, les incitants à sortir des sentiers battus. Autrement dit, ces flux d’informations favorisent l’émergence d’une forme de pensée dite « divergente » chez les personnes. Or, ces informations sont véhiculées par les relations sociales. En effet, l’attitude que nous avons à l’égard des autres les incitent ou non à partager avec nous leurs connaissances et leurs points de vue. De la sorte, les relations deviennent centrales dès lors que l’on s’intéresse à la créativité, puisqu’elles peuvent autant la galvaniser que la desservir.

Dans cet article nous présenterons deux facteurs importants qui impactent les relations sociales : la bienveillance envers ses collègues et l’ouverture aux expériences nouvelles. Nous verrons comment ils peuvent constituer de véritables leviers pour la performance créative des salariés.

La bienveillance : transmettre les idées

La bienveillance envers ses collègues est un concept large englobant de nombreux éléments. Parmi eux, on compte l’écoute et la reconnaissance de l’autre, l’attention envers ses besoins ou encore la mise en avant de ses qualités plutôt que de ses défauts1. L’engagement des salariés dans ce type de manière d’être va avoir un impact conséquent sur la transmission et l’élaboration d’idées nouvelles dans l’entreprise.

Premièrement, être bienveillant envers autrui lui envoie des signaux positifs, l’incitant davantage à partager ses connaissances et ses points de vu avec nous. En cela, la bienveillance s’incarne comme un message d’ouverture à des expériences différentes, ce qui facilite la transmission d’idées entre les personnes. Deuxièmement, elle amène une acceptation de l’identité propre à autrui, ainsi qu’une reconnaissance et une valorisation de l’interdépendance entre l’autre et nous-même1. Ce point favorise l’émergence d’émotions positives, reconnues pour rendre globalement les personnes plus efficaces dans leur travail.

En cela, la bienveillance facilite la réflexion sur son propre travail et celui de ses collègues, ce qui a été montrée comme bénéfique pour l’apprentissage et la performance.2 Cette discussion accrue autour de la manière de faire les choses implique une forme de pensée plus profonde et aboutie, mais également plus divergente dans le sens où l’apparition de contradictions dans la discussion incite à explorer de nouveaux champs d’idées. Ces points mis ensemble favorisent à leur tour la performance créative des employés3, dans et autour des équipes de travail concernées par l’innovation.

Au-delà de la relation purement interindividuelle, l’engagement dans des comportements bienveillants agit de manière plus macroscopique, au niveau organisationnel. En effet, grâce à lui les informations circulent plus efficacement au sein de l’organisation. Ces échanges facilitée entre membres des équipes, mais aussi entre eux et les leaders amène une performance créative accrue.4

L’ouverture : intégrer les idées

Si la transmission d’informations est importante, l’émergence de nouvelles idées ne s’arrête pas là : il reste aux salariés à agencer et combiner ces idées. Un point important dans l’apparition de la créativité est l’entrée dans une forme de pensée dite « divergente », autrement dit de sortir des chemins connus pour explorer de nouveaux champs. L’émergence de cette forme de pensée créative est permise par la confrontation à des idées parfois contradictoires, qui incite à les remettre en cause. Bien sûr, ceci a d’autant plus de chances d’arriver que le salarié à accès à un grand nombre d’informations, notamment par le biais du partage avec ses collègues. Néanmoins, il importe à la personne d’intégrer ces idées et points de vu opposés, plutôt que de les rejeter. Entre alors en lice l’ouverture aux expériences nouvelles.

En effet, la manière dont les personnes vont transformer les informations reçues en idées innovantes dépend de leur capacité à accepter des éléments parfois contraires et à les intégrer ensemble pour en former de nouveaux5. L’ouverture permet cela dans le sens où elle permet un meilleur accueil, voire une recherche, d’informations diverses. De plus, elle implique une forme de raisonnement plus perméable, à même de relier des idées qui ne le seraient pas directement. L’apparition de ces liens nouveaux, permise par la confrontation des informations, ouvre à l’émergence d’idées plus créatives.

Conclusion

La bienveillance et l’ouverture aux expériences permettent, d’une part une stimulation du partage des idées et ainsi leur transmission et, d’autre part d’une meilleure intégration de ces informations pour produire de nouvelles idées. De la sorte, bienveillance et ouverture se combinent. En effet, si la bienveillance permet l’accès à une plus grande quantité d’informations, l’ouverture pousse à la recherche des plus diverses d’entre elles tout en facilitant leur intégration.

Ouvrons sur l’importance du rôle du leader dans le partage des idées. En effet, il est une pièce pivot entre l’équipe qu’il mène et le reste de l’organisation, en termes de communication. Il permet aussi l’établissement d’un climat serein, riche de respect mutuel et d’ouverture aux idées d’autrui. En cela, il joue un rôle important dans la mise en place d’un contexte favorable à la créativité (voir notre article : Le leader, un moteur pour l’innovation ?).

Aller plus loin

Références

  1. Dutton JE (2003) Energize Your Workplace: How to Build and Sustain High-Quality Connections at Work. San Francisco, CA: Jossey-Bass
  2. Di Stefano G, Gino F, Pisano G and Staats B (2014) Learning by thinking: How reflection aids performance. Working paper, Harvard Business School, Boston, MA.
  3. Carmeli, A., Dutton, J. E., & Hardin, A. E. (2015). Respect as an engine for new ideas: Linking respectful engagement, relational information processing and creativity among employees and teams. Human relations, 0018726714550256.
  4. Liao, H., Liu, D., & Loi, R. (2010). Looking at both sides of the social exchange coin: A social cognitive perspective on the joint effects of relationship quality and differentiation on creativity. Academy of Management Journal, 53(5), 1090-1109.
  5. Baer, M. (2010). The strength-of-weak-ties perspective on creativity: a comprehensive examination and extension. Journal of applied psychology, 95(3), 592.

image de couverture : Rodolfo Clix

Benjamin Pastorelli

Benjamin est docteur en psychologie, consultant, thérapeute et enseignant au Mary Immaculate College (Irlande) Son expertise se centre autour de la diversité, de l'inclusion, des discriminations et de l'interculturalité. Il œuvre pour la mise en valeur des différences et la lutte contre les discriminations, afin de libérer le potentiel de la diversité. Benjamin est aussi vulgarisateur scientifique et blogueur depuis de nombreuses années.