L’ entretien professionnel, une opportunité pour l’entreprise

L’entretien professionnel trouve sa source dans l’accord national interprofessionnel (ANI)  du 20 septembre 2003 et il est de nouveau évoqué par les partenaires sociaux lors de l’ANI du 5 octobre 2009. Son application n’est pas généralisée. La plupart des entreprises qui l’ont mis en place, l’ont fait suite à une obligation de branche.

Lors de sa campagne présidentielle de 2012, François Hollande parmi ses promesses électorales inscrivait dans son 35ème  engagement   « Je mettrai en place, en concertation avec les partenaires sociaux, la sécurisation des parcours professionnels, pour que chaque salarié puisse se maintenir dans l’entreprise ou l’emploi et accéder à la formation professionnelle »[1]

Cet engagement faisait écho au constat sur l’inefficacité de la formation professionnelle et l’inemployabilité des demandeurs d’emploi, malgré  les précédents accords nationaux interprofessionnels (ANI).

La mise en œuvre de cette promesse débute en juin 2013 par une grande conférence sociale pour l’emploi. Puis le 14 décembre 2013 un accord national interprofessionnel fut de nouveau négocié. Les principaux points de cet accord sont la création d’un Compte Personnel de Formation (CPF) qui se substitue au Droit Individuel à la Formation (DIF), la suppression de la contribution légale[2] qui est remplacé par une obligation de former chaque individu, et enfin de nouveau l’obligation de mettre en place des entretiens professionnels pour tous les salariés.

Il faut donc attendre plus de 10 ans pour que l’obligation qui était introduite par les partenaires sociaux le soit par le législateur avec l’inscription d’une loi dans le code du travail.

Les réfractaires opposeront à ce dispositif le manque de temps, l’inutilité, l’ajout d’une obligation… toutefois la loi s’impose et l’entreprise doit s’y conformer. Nous allons, nous attacher à montrer les atouts que peut offrir l’ entretien professionnel et en quoi il servira l’entreprise.

L’ employabilité : une co-responsabilité entreprise/salarié

La mouvance des marchés économiques, la mutation ou l’évolution technologique des postes obligent l’entreprise à préparer ses salariés aux changements (postes ou entreprises) auxquels ils seront confrontés et à leur donner toutes les compétences pour qu’ils se prémunissent contre la perte d’emploi. Selon le sociologue Thierry D. :  «  il s’agit que les salariés ne soient pas tétanisés par la perspective de la perte de leur emploi mais simplement conscients de leur responsabilité dans leur propre devenir ; conscients aussi du caractère de monnaie d’échange que revêtent les compétences et soucieux de leur valeur marchande » (Thierry, 1995)

Cette notion d’employabilité est inscrite dans la loi (L6321-1 du code du travail) et elle oblige  l’employeur à veiller au maintien des compétences et des capacités à occuper un poste, pour l’ensemble de ses salariés.

L’entretien professionnel obligatoire est l’une des réponses face à cette problématique d’employabilité des salariés tout au long de leur parcours professionnel. Il met au centre du dispositif le salarié, principal acteur de son évolution professionnelle, en lui permettant d’avoir un accompagnement individuel mené par l’entreprise. Celle-ci aide le salarié à capitaliser ses compétences, lui permet d’évoluer par la formation afin qu’il acquiert une autonomie et une liberté tant en interne qu’en externe.

Mais la formation, dépense ou investissement ?

La réforme de la formation introduit l’obligation pour l’entreprise de former tous ses salariés et non plus à dépenser sur un plan de formation un pourcentage de sa masse salariale (déclaration 2483). L’entreprise est maintenant tenue de  faire suivre une formation, à chacun de ses salariés, par période de 6 ans. Le budget de formation n’est plus regardé au niveau de la déclaration 2483 (maintenant supprimée) comme une dépense obligatoire, mais comme un investissement individuel, au service de la stratégie de l’entreprise et également à l’accroissement des compétences de ses salariés. Selon Martin Richer : « En formant ses salariés, une entreprise travaille à sa propre compétitivité, mais aussi à celle des salariés formés »[3].

Il est difficilement quantifiable de mesurer l’impact de l’investissement de formation, cependant dans le rapport 2014 sur l’évolution de l’emploi et de la situation sociale en Europe, publié par la Commission Européenne en janvier 2015, celui-ci indique que « Les pays les plus compétitifs sont ceux où les entreprises investissent le plus dans les compétences ». De ce fait, l’investissement dans la  formation est vecteur de développement de l’entreprise et également des hommes qui la composent : son capital humain.

Reconnaissance du Capital Humain et productivité des salariés

Le Capital Humain est l’ensemble des aptitudes, talents, qualifications, expériences accumulés par un individu et qui détermine en partie sa capacité à travailler ou à produire pour lui-même ou pour les autres.[4]

L’entretien professionnel donne l’opportunité à l’entreprise d’augmenter son dialogue social avec ses salariés. Il impose un rendez-vous axé sur l’individu, en s’intéressant à ses attentes. Il permet une reconnaissance du collaborateur grâce à l’attention portée à son travail, à son évolution, ses attentes de formation et plus généralement à son bien-être. Selon Martin Richer : « Aujourd’hui, nous n’avons plus le choix : si nous voulons tirer notre épingle du nouveau jeu concurrentiel et sortir de la spirale mortelle de la compétition par les coûts, il faut construire un management qui cherche d’abord et avant tout une chose : mobiliser le potentiel humain. C’est un changement complet de paradigme concurrentiel. Le potentiel humain devient le facteur de différenciation. Il faut donc le révéler. » [3]

Cet échange qui permet la reconnaissance du salarié,  favorise sa motivation qui est une condition nécessaire pour améliorer la performance économique de l’entreprise (augmentation de la productivité) mais également sociale (diminution de l’absentéisme).

Conclusion

L’ entretien professionnel constitue un moment privilégié permettant au salarié et à l’employeur de faire le point sur les  perspectives d’évolution professionnelle et permet également un co-engagement dans les actions de formation à mettre en place.

Le salarié devient alors acteur de son projet professionnel, l’entretien lui permettant d’appréhender son avenir et comme le dit l’adage « pour savoir où je vais, je dois déjà savoir où je suis ».

L’obligation faite par la loi d’instaurer l’ entretien professionnel donne l’opportunité à l’entreprise d’ouvrir le dialogue social avec ses salariés. Ce rendez-vous permet d’établir un état des lieux qui conduit à l’élaboration du plan de formation et amène l’entreprise sur la réflexion autour de la Gestion Prévisionnelle des Emploi et Compétence (GPEC), mais également à veiller à l’employabilité de ses salariés ce qui s’inscrit dans une démarche RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise).

Pour aller plus loin :

Lagrange, Nicolas (2015). 13 Habitat. Entreprise et carrières, (1248), 23.

Parmentier, Christophe, & Hernot, Erwan. (2015). Le guide de l’entretien professionnel (Eyrolles).

Perret, André, & Barabel, Michel. (2015, avril). Réforme de la formation : ce qu’il faut savoir. Personnel, (558), 57-83.

Thierry, Dominique. (1990). La gestion prévisionnelle et préventive des emplois et des compétences. l’Harmattan.

[1] Hollande, François. (2012). Le changement c’est maintenant. Mes 60 engagements pour la France.

[2] déclaration 2483

[3] Richer,  Martin (2015). Management & RSE: La formation professionnelle : quelle empreinte sociale ? ; Richer, Martin (2015). Management & RSE: Sommes-nous tous du capital humain ? 

[4] Définition de Jacques Généreux dans l’Introduction à l’économie