BSI ou Bilan Social Individuel, quel en est l’intérêt ?

Une nouvelle pratique fait peu à peu irruption dans le monde des Ressources Humaines. Il s’agit du BSI ou « Bilan Social Individuel », un moyen apparemment efficace et innovant pour décortiquer la rémunération de l’entreprise et l’expliquer aux salariés. Déjà largement adopté à travers le monde, à l’heure actuelle pourtant, les entreprises Françaises semblent encore plutôt réticentes quant à sa mise en place. Qu’en est-il du point de vue psychologique ? Ces entreprises françaises ont-elles raison de s’en méfier ?

Le BSI, ou l’Individualisation du Bilan Social

Reprenons déjà, dans les grandes lignes, en quoi consiste cette pratique.

Les objectifs du BSI

Généralement, le BSI vise à expliquer et valoriser la politique de rémunération de l’entreprise, aux yeux des salariés. Le discours souvent exprimé par les internautes DRH est le suivant « les salariés ne se préoccupent que du chiffre net en bas de la feuille de paie ». Libre à nous de partager ou non ce point de vue, cependant, en temps de crise et dans des activités inégales ou constamment réorganisées, ce chiffre peut être la source d’insatisfactions, d’incompréhensions, de tensions, de discrimination…

En bref, la rémunération ne se limite pas un chiffre net ou brut. Elle prend en compte les avantages spécifiques au secteur, spécifiques à l’entreprise, avantages sociaux ou en nature, compléments de rémunérations, protection sociale, formation… Et c’est ce que les DRH qui mettent en place un BSI cherchent à communiquer aux salariés, au-delà donc du « chiffre net en bas de la feuille de paie ».

Quelques exemples de BSI

Un premier exemple de BSI tiré du journal Les Echos – Business[1] en Décembre 2013 :

Le BSI de Marc Durand, 45 ans, cadre dans une société de services, marié, 2 enfants, salaire annuel de base 50.000 euros brut.

http://www.slideshare.net/fullscreen/lesechos2/bsianonyme/2

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Un autre exemple est également disponible en libre accès sur le site internet de la société Anteeo :

http://www.anteeo.com/services-2/bsi/

Méthode

Présenté sous une forme papier et/ou numérique, le BSI décortique la situation salariale des collaborateurs, de manière compréhensible, synthétique et ludique. Cela nécessite pour l’employeur de faire le point sur sa politique de rémunération, d’en définir les points forts, les points faibles, avant de se lancer. Alors, il faudra identifier en 1er lieu les éléments que l’on souhaite communiquer aux salariés (rémunération, avantages sociaux, avantages en nature, éléments périphériques, formations, évolutions, augmentations, conditions de travail…). En parallèle, il est nécessaire de choisir non seulement ce que l’on souhaite communiquer, mais aussi à qui on souhaite le communiquer.

C’est seulement une fois ce travail effectué que l’on pourra se prononcer sur la forme, et la manière de présenter son BSI, soit via un entretien individuel (l’Entretien Professionnel par exemple), soit à la demande… Pour cela des prestataires externes vendent déjà leurs outils et leurs méthodes, de plus en plus élaborés, comprenant graphiques, tableaux, visuels,… le tout, géré informatiquement et intégré dans un Système d’information de gestion des ressources humaines | #SIRH.

Un processus individualisé pour un bien-être collectif

D’un point de vue social, le BSI peut s’avérer être une véritable opportunité pour remettre l’individu au centre des préoccupations. Non seulement il peut valoriser l’entreprise, mais il peut également impacter positivement le bien-être des salariés.

En effet, la rémunération est l’un des principaux leviers de reconnaissance du travail effectué, et les notions de reconnaissance et de bien-être au travail sont étroitement liées (Rainville-Lajoie, M.C., 2011), toutes deux liées au sens que l’on donne au travail. Le bien être subjectif (Diener, 1984) dans la voie hédonique, représenté par « les émotions positives et la satisfaction générale » (Feuvrier, M.P., 2014) dépend essentiellement d’un feedback positif et donc du sens du travail, et peut théoriquement être directement lié à la reconnaissance, un élément clé de la construction du sens au travail selon Autissier, D. (2008 ; pour approfondir voir Le pouvoir de l’évaluation sur le bien-être des salariés du même auteur).

De plus, comme dans la méthode du Slow Management (Steiler, Sadowsky, Roche, 2010), le BSI peut largement développer l’implication des salariés dans le Bien-être s’il est construit rigoureusement de manière à permettre à l’employeur de « se rendre présent et visible pour les employés, de leur apporter de la sécurité, et de leur dire la vérité sur la situation de l’organisation. »

On peut donc en retenir qu’au travers du BSI, comme pour beaucoup de démarches individualisées, donner du sens au travail et le valoriser peut constituer un des piliers du bien-être et n’est donc pas à négliger. Cela implique de créer un outil aussi utile à l’individu qu’à son entreprise, personnalisé et ludique, mais encadré par des critères précis, communs et objectifs.

Pour l’employeur, reconnaître le travail effectué, et rendre saillant la manière dont il le récompense, au-delà du « chiffre net en bas de la feuille de paie » peut être un élément stratégique pour gérer les « ressources » humaines de son entreprise dans un climat social propice.

En résumé, on peut retrouver de nombreux avantages psychologiques et managériaux à la mise en place de BSI, lorsque la démarche est bien motivée par une volonté de transparence totale de l’information sur la rémunération, dans l’objectif de donner du sens à la rémunération, du sens au bulletin de paie, voie même, de redonner du sens au travail. Nous pouvons aller plus loin en se penchant sur les nombreux travaux autour du « sensemaking » (K.E. Weick, 1995).

Mais bien entendu, si l’on s’écarte de l’idéologie de la transparence et de la juste rémunération à la valeur ajoutée du travail, on peut rapidement retrouver des inconvénients à la démarche.

Les limites du BSI

Potentiels sources de tensions, de discriminations, les éléments du BSI devront être travaillés de manière à ne mettre en avant que les éléments de rémunération généraux, concrets et communs à tous les salariés d’un secteur d’activité. Un groupe comportant plusieurs entreprises par exemple, peut avoir en place des pratiques réellement généreuses vis-à-vis de ses salariés, mais différant d’un établissement à l’autre. Les mettre en avant avec le BSI aura un effet positif à court terme, mais si rien ne justifie l’inégalité de la répartition de ces avantages, le BSI à plus ou moins long terme pourra donner lieu à de fortes complications à l’employeur si cela entraîne une dégradation du climat social.

Concernant la partie « bilan des formations », et l’intégration d’un « portefeuille des compétences développées », cela sera pertinent dans la limite où la démarche ne permet pas de mettre en avant une augmentation des compétences non-proportionnelle aux évolutions salariales. Potentielle source d’injustices et d’incompréhensions, le BSI ne devra également être construit que pour mettre en avant un système bien ficelé, actualisé, vérifié, et fiable, qui justifie et rétribue justement la valeur ajouté du travail des salariés. Le questionnaire de Siegrist (1996) pourra vous donner des indicateurs sur cette logique de contribution-rétribution (Siegrist, J. Peter, R. Junge, A., Cremer, P. & Seidel, D., 1990)

Certains DRH l’envisagent également dans l’optique de « recadrer » les salariés vis-à-vis de la rémunération. Or généralement l’information n’est retenue que si elle est jugée pertinente. On en reviens à la notion du « sens » pour le salarié : faire comprendre la politique de rémunération sans faire comprendre en quoi celle-ci leur est réellement favorable ne retiendra pas l’attention des salariés. Dans des démarches individualisées, le DHR devra prendre garde à ne pas être perçu comme trop « intrusif », perçu comme proposant des processus pour « ficher » et « dépersonnaliser » les salariés. Aussi le BSI, bien que présentant les mêmes critères pour tous les salariés, doit être personnalisé et porté au salarié dans son intérêt, pourquoi pas même, à sa demande. Le BSI peut être construit comme un « journal de bord » de l’évolution salariale, et répondre à un besoin de l’entreprise, mais également un besoin des salariés, s’intéressant et valorisant leur travail.

Qu’en pensez vous ?

Si l’on n’as pas d’éléments réellement avantageux dans notre système de rémunération, et/ou des éléments trop peu harmonisés dans les différents sites, le BSI peut-il avoir tout de même un intérêt ?

On peut penser que si réellement des employeurs, après mûres réflexions, n’arrivent pas à identifier des éléments valorisant la valeur ajoutée du travail dans leur politique de rémunération, le BSI sera en effet le cadet de leurs soucis. A ce moment-là c’est potentiellement tout le système managérial qu’ils devront revoir et travailler pour entretenir la motivation de leurs salariés. C’est pourquoi le BSI est pour l’instant encore peu pratiqué, et n’intéresse pour le moment que quelque grandes entreprises, travaillant leur système de rémunération dans ce but depuis déjà plusieurs années. En résumé, le BSI peut être des plus pertinents pour les entreprises françaises, dans lesquelles on reproche souvent un manque de transparence, une incompréhension de la direction. Il est cependant essentiel d’avoir au préalable un système de rémunération « éthique ».


Quelques références pratiques :

Weick, K.E. (1995). Sensemaking in Organizations, Sage Publications, Californie

Autissier, D. (2008). Des salariés en quête de sens. Les Grands Dossiers des Sciences Humaines (N°12, pp. 60-62)


En savoir plus sur Le Bilan Social Individualisé (business.lesechos.fr).

[1] Le Bolzer, J. (2013). Le bilan social individualisé (BSI) : communiquer et motiver