Vers une approche multiculturelle de la RSE

(article modernisé le 4 février 2020)

La Responsabilité Sociale de l’Entreprise

Dans son ouvrage fondateur de 1953, Howard Bowen met en lumière la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). Selon l’auteur, la RSE est un devoir pour l’entreprise à l’égard de son environnement social et naturel1.

Même si la RSE a mis du temps à prendre l’ampleur qu’on lui connaît2, elle est aujourd’hui considérée comme un enjeu essentiel de la performance des entreprises3. Ceci est notamment dû à la volonté des personnes de consommer responsable, de travailler dans une entreprise responsable ou encore d’investir responsable4, 5.

En donnant un sens à l’entreprise, la RSE peut augmenter sa réputation, mais également sa performance sous différents aspects :

  1. économique, en favorisant la consommation et les investissements,
  2. financier, en facilitant l’accès aux capitaux,
  3. social, en motivant et en engageant les employés ou encore en attirant les talents,
  4. environnemental, en diminuant par exemple la facture d’énergie1.

La RSE, un enjeu culturel

Dans notre monde globalisé et de plus en plus multipolaire, un nouveau défi se dresse devant les entreprises. En effet, si la mondialisation existe depuis très longtemps, elle est restée au cours des derniers siècles essentiellement dominée par les cultures occidentales2. Mais aujourd’hui, le monde du travail est de plus en plus divers.

L’émergence rapide de la Chine ou de l’Inde, de plusieurs pays africains comme le Nigéria ou l’Afrique du Sud, mais aussi le maintien des riches pays arabes, aux côtés de la vieille Triade (Amérique du Nord, Europe, Japon), ont donné de nouvelles couleurs aux mondes d’aujourd’hui et de demains. Cela constitue un défi que les entreprises doivent prendre en compte, puisque leurs actions se font dans un panache culturel de plus en plus riche et complexe3.

Cette augmentation de la diversité a un double impact sur la RSE, en termes de stratégie et d’image de l’entreprise. Concernant la stratégie, les actions de RSE prennent des formes variées selon la culture des personnes qui les conçoivent. Concernant l’image de l’entreprise, ces actions seront perçues différemment dans différentes cultures3. Ainsi, l’image d’une entreprise peut pâtir d’une politique de RSE mal gérée et ne prenant pas en compte les spécificités culturelles locales.

Par exemple, une action humanitaire peut être vu d’une toute autre manière par ses bénéficiaires, comme le montre le journaliste Andrew Mwenda dans la vidéo ci-dessous.

Andrew Mwenda : Aid for Africa? No thanks.
(sous-titres accessibles dans le menu en bas à droite de la vidéo)

Une stratégie, plusieurs cultures

La RSE prend une complexité tout nouvelle lorsqu’on la confronte à la diversité des cultures et des différents contextes au sein desquels les organisations évoluent. À ce propos, Florent Pestre, chercheur en stratégie d’entreprise, distingue deux contextes : le contexte local et le contexte global3.

Le contexte local. Chaque pays incorpore sa propre culture et ses propres valeurs, ses propres enjeux, ses propres besoins et sa propre identité2. Tout ceci impacte la manière dont la politique de RSE de l’entreprise sera reçue par les organisations et les personnes qui appartiennent à ce contexte local (p.ex. : gouvernement, clients du pays).

Le contexte global. Il est propre au monde moderne mondialisé2 et constitue un ensemble supranational de valeurs (p.ex. : protection des Droits de l’Homme, de l’environnement)6 et de normes (p.ex. : celles de l’OCDE). Dans ce contexte la RSE tend à s’uniformiser.

La conciliation entre le pôle local et le pôle global, particulièrement pour la RSE, constitue une difficulté pour l’entreprise. D’une part, les différents contextes locaux poussent à une approche relativiste et hétérogène de la RSE. Ceci peut générer des incompréhensions et des difficulté de management dans une politique devenue trop multiple et peu centralisée3.

D’autre part, le contexte global incite à une approche universaliste et homogène qui ne prend pas en compte les propriétés des pays où la politique de RSE est menée. Ceci peut ouvrir à des difficultés d’application et des conflits2,4, et en conséquences d’une baisse d’efficacité et une atteinte à l’image de l’entreprise.

Conclusion

Comme nous venons brièvement de le présenter, l’entreprise est en interaction avec deux contextes : global et local. Ces derniers incorporent chacun leurs propres contenus culturels et sont en constante interaction entre eux et avec l’entreprise.

En effet, les lois des gouvernements, les normes des organismes internationaux, les revendications des citoyens, les besoins des clients locaux, les volontés des actionnaires, etc. sont autant d’éléments à prendre en compte pour une politique RSE efficace.

Références

  1. De la Marnierre, C. (2011). La RSE source de progrès. In De Menthon, S. (2011). La responsabilité sociétale des entreprises. Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé.
  2. Vinsonneau, G. (2012). Mondialisation et identité culturelle. Bruxelles : De Boeck.
  3. Pestre, F. (2013). La responsabilité sociale des entreprises multinationales: Stratégies et mise en œuvre. l’Harmattan.
  4. Dubois, P., L. (2012). RSE, entre création de valeurs et nouveau contrat social. In J. Igalens (dir.), La responsabilité sociale des entreprises : défis, risques et nouvelles pratiques (p.3-11). France : Eyrolles.
  5. Waddock, S. A., Bodwell, C., & Graves, S. B. (2002). Responsibility: The new business imperative. The Academy of Management Executive, 16(2), 132-148.
  6. De George, R. T. (1993). Competing with integrity in international business (pp. 45-56). New York: Oxford University Press.

Aller plus loin

image de couverture : Markus Spiske

Benjamin Pastorelli

Benjamin est docteur en psychologie, consultant, thérapeute et enseignant au Mary Immaculate College (Irlande) Son expertise se centre autour de la diversité, de l'inclusion, des discriminations et de l'interculturalité. Il œuvre pour la mise en valeur des différences et la lutte contre les discriminations, afin de libérer le potentiel de la diversité. Benjamin est aussi vulgarisateur scientifique et blogueur depuis de nombreuses années.