C’est quoi un bon brainstorming ?

Le brainstorming s’est imposé comme une méthode classique, utilisée pour la résolution créative de problèmes. Mais cette méthode est-elle vraiment efficace ? Quelles sont ses limites ? Comment la rendre plus performante ?

Les 4 règles originelles d’Alex Osborn

Revenons d’abord aux origines, en 1953. Alex Osborn part de l’idée qu’un groupe sera meilleur qu’une somme d’individus séparés. Il propose alors quatre règles à suivre pour un bon brainstorming.

Voici les 4 règles d’Alex Osborn :

  1. Chercher le plus grand nombre d’idées possibles
  2. Accepter toutes les idées, même inhabituelles ou farfelues
  3. Éviter la critique des idées
  4. Ne pas hésiter à combiner et améliorer les idées

Globalement, les travaux scientifiques qui ont suivi ont montré qu’Osborn avait vu juste pour la majorité de ses propositions, mais pas pour toutes1.

Alex Osborn (1888-1966), inventeur du brainstorming

Vers un brainstorming efficace

Voyons quelques variations possibles autour du brainstorming et comment elles peuvent améliorer ou non l’efficacité de cette méthode.

En groupe ou séparément ?

L’idée est fortement répandue qu’un groupe est plus performant qu’une somme d’individus travaillant séparément et notamment que le groupe donnera des idées en plus grand nombre et de meilleure qualité.

Vraiment ? Non !

De nombreux travaux1 ont comparé des groupes interagissant à des groupes nominaux (c’est-à-dire des ensembles de personnes travaillant séparément, sans interaction). Ces études (effectuées dans plusieurs pays, avec différentes méthodes, des années 50 à nos jours) donnent un résultat sans équivoque : nous sommes plus performants en faisant un brainstorming séparément qu’en le faisant en groupe. Le brainstorming de groupe aboutit à une baisse de la quantité et de la qualité des idées.

Pourquoi ?

Socialement, le groupe met en avant le poids du regard des autres et la peur qui en résulte (appréhension évaluative). Il favorise la tendance à tirer au flanc (paresse sociale). Il incite les personnes les plus performantes à contribuer autant que les moins performantes (adaptation performative négative).

Cognitivement, la situation de groupe empêche de proposer des idées simultanément (blocage de production). Elle crée un climat coûteux en ressources cognitives, puisqu’il faut réfléchir tout en écoutant les autres (interférences cognitives). Elle favorise la tendance à se focaliser sur les idées données précédemment (fixation cognitive).

Sur ordinateur ou en présentiel ?

Le brainstorming électronique, c’est-à-dire par messagerie instantanée, a été proposé comme une solution à ces problèmes. Il réduit le blocage de production, comme les participants peuvent écrire simultanément et donc proposer des idées simultanément. Il annule également les interférences cognitives. Socialement, il peut permettre l’anonymat des participants et ainsi diminuer le poids du regard des autres. Nous reviendrons sur ce dernier point un peu plus loin dans cet article.

Deux méta-analyses* 2,3 ont montré que les groupes virtuels surpassaient les groupes réels en quantité et en qualité d’idées. Malgré cela, ces groupes virtuels peinaient toujours à dépasser les groupes nominaux (ensemble de personnes travaillant séparément).

*Une méta-analyse est une méthode scientifique visant à analyser conjointement les résultats issus de nombreuses études précédentes.

Avec ou sans anonymat ?

Concernant l’anonymat, il devrait protéger l’identité des membres du groupe du regard des autres. Autrement dit, il permettrait de réduire la peur de voir nos idées rejetées par le reste du groupe, puisque leur origine n’est pas identifiable.

Les résultats sont assez mitigés à ce propos. Si l’anonymat protège du regard des autres, il facilite aussi la paresse sociale.

Avec ou sans pause ?

Prendre une pause pendant la session de brainstorming semble être une technique, simple certes, mais efficace pour améliorer la créativité. En plus de reposer les participants, elle leur permet de sortir du cadre du brainstorming et d’oublier un peu les idées déjà proposées.

Grâce à cela, elle réduit notre tendance à rester fixés sur ces idées précédentes et nous ouvre de nouveaux horizons. Autrement dit, elle réduit la fixation cognitive4.

Avec ou sans facilitateur ?

Un facilitateur est un manager en charge de l’équipe du brainstorming et ayant pour objectif d’aider ses membres à mener à bien leur tâche. En général, son travail consiste à rappeler les règles du brainstorming et à garder l’équipe concentrée.

La recherche montre que la présence d’un facilitateur permet une meilleure performance de l’équipe, au moins en termes de quantité d’idées proposées5. Concernant la qualité des idées, son rôle est sûrement plus délétère. En effet, en gardant l’équipe focalisée, le facilitateur empêche la distraction. Or, celle-ci permet à l’esprit de se reposer et de se désengager de la tâche, lui permettant de trouver des idées plus originales.

Avec ou sans objectif ?

La mention d’un objectif à atteindre est certainement un bon moyen de motiver l’équipe. C’est en tout cas ce que montre la recherche sur ce point. Proposer un objectif clair, c’est-à-dire un nombre d’idées à atteindre, augmente la performance de l’équipe6.

Avec ou sans critique ?

Dans ses quatre règles, Alex Osborn incite clairement à éviter de critiquer les idées des autres. S’il a été particulièrement visionnaire pour beaucoup de ses propositions, ce ne semble pas être le cas pour celle-ci. En effet, de nombreuses études mettent en avant l’importance du débat.

La discussion autour des idées et leur critique met en lumière leurs défauts, leurs limites. Elles nous poussent à les revoir et les améliorer. Autrement dit, la critique permet de raffiner les idées et d’augmenter leur qualité7. On parle alors de conflit cognitif, reconnu pour être favorable à la performance et la créativité. Bien sûr, la critique doit rester bienveillante, sans quoi la tâche risque de dégénérer en conflit relationnel aux conséquences négatives.

Conclusion

La question à se poser avant de commencer un brainstorming porte sur notre priorité : cherche-t-on avant tout à produire un grand nombre d’idées (quantité) ou plutôt de bonnes idées (qualité). Dans le premier cas, un facilitateur sera d’une bonne aide, de même que fixer un objectif clair à atteindre. Dans le deuxième cas, l’instauration de pauses et la permission de critiquer (avec bienveillance) permettra d’améliorer la qualité des idées.

Dans tous les cas, il semble bien que le brainstorming soit plus efficace s’il est fait séparément plutôt qu’en groupe. L’arrivée des ordinateurs a permis de limiter cela. Mais il existe une autre technique, pourtant très simple, qui peut permettre de libérer le potentiel des groupes : le brainwriting. Nous y reviendrons certainement dans un prochain article !

Références

  1. Goldenberg, O., & Wiley, J. (2011). Quality, conformity, and conflict: Questioning the assumptions of Osborn’s brainstorming technique. The Journal of Problem Solving, 3(2), 5.
  2. Dennis, A. R., & Williams, M. L. (2005). A Meta-Analysis of Group Side Effects in Electronic Brainstorming. International Journal of E-Collaboration, 1(1), 24–42.
  3. DeRosa, D. M., Smith, C. L., & Hantula, D. A. (2007). The medium matters: Mining the long-promised merit of group interaction in creative idea generation tasks in a meta-analysis of the electronic group. Computers in Human Behavior, 23(3), 1549–1581.
  4. Kohn, N. W., & Smith, S. M. (2011). Collaborative fixation: Effects of others’ ideas on brainstorming. Applied Cognitive Psychology, 25(3), 359–371.
  5. Offner, A. K., Kramer, T. J., & Winter, J. P. (1996). The effects of facilitation, recording, and pauses on group brainstorming. Small Group Research, 27(2), 283–298.
  6. Litchfield, R. C. (2009). Brainstorming rules as assigned goals: Does brainstorming really improve idea quantity?. Motivation and Emotion, 33(1), 25-31.
  7. Nemeth, C. J., & Nemeth-Brown, B. (2010). Better than Individuals?: The Potential Benefits of Dissent and Diversity for Group Creativity. Group Creativity: Innovation through Collaboration, 63–84.

Image de couverture : rawpixel

Benjamin Pastorelli

Benjamin est docteur en psychologie, consultant, thérapeute et enseignant au Mary Immaculate College (Irlande) Son expertise se centre autour de la diversité, de l'inclusion, des discriminations et de l'interculturalité. Il œuvre pour la mise en valeur des différences et la lutte contre les discriminations, afin de libérer le potentiel de la diversité. Benjamin est aussi vulgarisateur scientifique et blogueur depuis de nombreuses années.