Si les personnes LGBTQI+ ont gagné de la visibilité durant les dernières décennies, il reste du chemin à parcourir pour leur inclusion au sein des entreprises et contre les discriminations qu’elles subissent au travail. Beaucoup d’entre elles se sentent isolées du reste de leurs collègues et préfèrent taire leurs identités [1].
Leur pleine inclusion est une responsabilité morale pour les entreprises et les sociétés, mais elle permet aussi de libérer le potentiel de ces talents. En effet, et comme nous allons le voir, l’inclusion réduit le stress de ces employés, favorise leur engagement et leur bien-être, et améliore leur performance.
Les trois piliers de l’inclusion
Au sein d’une entreprise, l’inclusion repose sur trois piliers : sa politique RSE, son climat de travail et le support social entre employés. Comprenons chacun des piliers, avant de voir comment ils impactent l’inclusion.
Politique d’entreprise
En définissant une politique responsable, l’entreprise formalise des orientations générales concernant ses employés issus de minorités. Elle indique les comportements acceptables et attendus. Ainsi, elle signale que les mauvais traitements et les discriminations ne seront pas tolérés, même en l’absence de protection légale des personnes LGBTQI+ [2].
Climat de travail
Malheureusement, il peut exister un décalage entre, d’un côté le message de la politique d’entreprise, et de l’autre la manière avec laquelle ses employés le comprennent et l’appliquent [3]. Ceci met en avant l’importance de considérer le climat socio-psychologique de travail, et notamment les valeurs, les croyances et les comportements associés.
En 2019, une équipe de recherche américaine a distingué quatre types de climat organisationnel inclusif, grâce à un outil psychométrique [4].
- Climat favorable (supportive) à Fort support social et faible discrimination.
- Climat tolérant (tolerant) à Fort support social et faible discrimination, mais manque de sensibilité des collègues aux questions de genre.
- Climat ambigü (ambiguous) à Support social et discrimination modérés, discrétion des employés LGBTQI+ concernant leurs identités.
- Climat hostile (hostile) à Faible support social et forte discrimination, risque de perte d’emploi en cas d’expression d’une identité LGBTQI+.
Support social
A côté de la politique et du climat, le support social joue un rôle important. Il constitue un ensemble de ressources interpersonnelles, capable de satisfaire des besoins socio-psychologiques essentiels comme l’acceptation ou l’appartenance [5].
Le support social aide les personnes LGBTQI+ à se sentir davantage incluses, qu’il vienne d’autres membres de leur communauté [6] ou non [7].
Quel pilier pour quelles conséquences sur l’inclusion ?
Pour mettre en lumière le rôle de ces trois piliers, je vous propose de nous baser sur une méta-analyse de Jennica Webster et son équipe [8]. Ses principaux résultats sont présentés dans les schémas ci-dessous et le lien vers l’étude complète est disponible à la fin de cet article.
Ce travail permet d’évaluer les impacts de la politique d’entreprise, du climat de travail et du support social sur quatre conséquences :
- les attitudes à l’égard du travail (satisfaction, engagement, etc.),
- le stress psychologique,
- la divulgation (volonté de dévoiler son identité de genre),
- la discrimination perçue (perception de discrimination en contexte de travail).
L’étude révèle que la politique d’entreprise a un effet marginal sur ces quatre conséquences. Ceci met en avant qu’une politique pro-LGBTQI+ n’est pas suffisante en elle-même. En effet, pour être efficace, elle doit être mise en action de manière concrète et consistante, à tous les niveaux et dans tous les secteurs de l’entreprise. Malgré cela, elle n’est pas inutile, puisqu’elle constitue souvent un premier pas vers une entreprise plus inclusive.
Contrairement à la politique d’entreprise, le climat se situe à un niveau plus « humain », plus interpersonnel et affectif, là où la discrimination quotidienne a lieu. De fait, le climat socio-psychologique de travail a un grand effet sur l’inclusion, notamment concernant la perception de discrimination et la divulgation. A propos de cette dernière, un climat favorable est un indicateur essentiel, montrant qu’il est possible d’exprimer son identité sereinement dans l’environnement de travail.
De même, le support social revêt une forte importance, principalement à l’égard des attitudes de travail et du stress. En effet, le support social fournit des ressources socio-psychologiques qui permettent de contrer les effets négatifs des agressions du quotidien de travail [9]. Il permet de lutter contre l’isolement des personnes LGBTQI+ et favorise leur engagement.
Conclusion
Au final, même si une entreprise communique ouvertement sa politique inclusive, en réalité les choses se jouent à des niveaux plus subtiles. En effet, ce sont des facteurs socio-psychologiques, comme le climat de travail et le support social, qui constituent les principaux leviers de l’inclusion.
Ils sont capables de créer un environnement de travail réellement inclusif, qui dépasse la simple lutte contre les biais cognitifs et la discrimination. En effet, un management inclusif naitra avant tout dans l’acceptation de la déviance positive (comportements positifs qui s’écartent de la norme en vigueur [10]). Mais si vous avez lu mon article sur le leadership inclusif, vous le savez déjà !
Aller plus loin
- Pastorelli, B. (2020). Les formations anti biais font-elles plus de mal que de bien ?
- Pastorelli, B. (2020). Vers un meilleur Multiculturalisme au travail.
- Pastorelli, B. (2020). Leadership inclusif : le comprendre et l’appliquer.
- Kerleaux, V. (2020). Chronique scientifique antisexiste #003 – Les machos doutent-ils de leur virilité ? Peur de la contagion sociale et humour sexiste.
Références
- McFadden, C., & Crowley-Henry, M. (2018). ‘My People’: the potential of LGBT employee networks in reducing stigmatization and providing voice. International Journal of Human Resource Management, 29(5), 1056–1081. https://doi.org/10.1080/09585192.2017.1335339
- Ruggs, E. N., Hebl, M. R., Martinez, L. R., & Law, C. L. (2015). Workplace “trans”-actions: How organizations, coworkers, and individual openness influence perceived gender identity discrimination. Psychology of Sexual Orientation and Gender Diversity, 2(4), 404–412. https://doi.org/10.1037/sgd0000112
- McKay, P. F., Avery, D. R., & Morris, M. A. (2009). A tale of two climates: Diversity climate from subordinates’ and managers’ perspectives and their role in store unit sales performance. Personnel Psychology, 62(4), 767–791. https://doi.org/10.1111/j.1744-6570.2009.01157.x
- Holman, E. G., Fish, J. N., Oswald, R. F., & Goldberg, A. (2019). Reconsidering the LGBT Climate Inventory: Understanding Support and Hostility for LGBTQ Employees in the Workplace. Journal of Career Assessment, 27(3), 544–559. https://doi.org/10.1177/1069072718788324
- Thoits, P. A. (2011). Mechanisms linking social ties and support to physical and mental health. Journal of Health and Social Behavior, 52(2), 145–161. https://doi.org/10.1177/0022146510395592
- Huffman, A. H., Watrous-Rodriguez, K. M., & King, E. B. (2008). Supporting a diverse workforce: What type of support is most meaningful for lesbian and gay employees? Human Resource Management, 47(2), 237–253. https://doi.org/10.1002/hrm.20210
- Ragins, B. R. (2008). Disclosure disconnects: Antecedents and consequences of disclosing invisible stigmas across life domains. Academy of Management Review, 33(1), 194–215. https://doi.org/10.5465/AMR.2008.27752724
- Webster, J. R., Adams, G. A., Maranto, C. L., Sawyer, K., & Thoroughgood, C. (2018). Workplace contextual supports for LGBT employees: A review, meta-analysis, and agenda for future research. Human Resource Management, 57(1), 193–210. https://doi.org/10.1002/hrm.21873
- Meyer, I. H. (2003). Prejudice, social stress, and mental health in lesbian, gay, and bisexual populations: conceptual issues and research evidence. Psychological bulletin, 129(5), 674. https://doi.org/10.1037/0033-2909.129.5.674
- Spreitzer, G. M., & Sonenshein, S. (2004, February). Toward the Construct Definition of Positive Deviance. American Behavioral Scientist. https://doi.org/10.1177/0002764203260212
image de couverture : Markus Spiske