Le leader, artisan de l’identité du groupe

Aujourd’hui, de plus en plus de travaux rendent compte du rôle de l’identité sociale dans le leadership. Le leader en représentant, élaborant, promouvant et incarnant l’identité sociale du groupe qu’il mène, génère un sentiment de partage identitaire entre les membres de ce groupe. Ceci augmentera notamment la satisfaction des salariés, leur confiance en l’équipe de travail, le soutien perçu de celle-ci ou encore leur engagement professionnel. Voyons comment.

Garde au drapeau de l'École navale
Gardes au drapeau de l’École navale, lors du défilé célébrant le 8 mai 1945, sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris, en 2005.

Les entreprises prennent de plus en plus soin d’élaborer une culture interne forte. Elles générèrent ainsi un sentiment d’identité chez ses employés, ce qui permet de galvaniser leur implication dans leur travail et de stabiliser l’unité de l’organisation. En quoi le leadership peut-il contribuer à cela et quels en sont les bénéfices pour l’entreprise et ses salariés ?

 L’identité sociale et le leadership

Selon la théorie de l’auto-catégorisation de Turner et ses collègues1, la définition du soi peut se faire à des niveaux différents en fonction de la situation. Notamment, elle peut se baser sur l’appartenance partagée à un groupe. Dans ce cas, l’individu se définira davantage en termes d’identité sociale (« nous ») plutôt que d’identité personnelle (« je »), ouvrant ainsi à des comportements de groupe, plutôt orientés vers les intérêts communs que personnels.

En incitant son groupe à atteindre l’objectif, le leader rassemble ses membres sous une même bannière, créant ainsi un sentiment d’appartenance partagée : l’identité sociale. Cette approche socio-identitaire considère le leadership comme un processus multidimensionnel, où le leader va représenter, créer, promouvoir et incarner l’identité sociale du groupe2.

 Les dimensions du leadership identitaire

Ainsi, les travaux les plus récents2, 3 proposent quatre dimensions par lesquelles le leader peut galvaniser le sentiment d’appartenance des suiveurs au groupe qu’ils forment :

  • Prototypicalité : être l’un d’eux

Le leadership, en incitant un groupe à accomplir un but4, est par nature un processus d’influence sociale3. Or le partage d’une même identité sociale est un prérequis à l’influence1. Ainsi, le leader doit se présenter comme un membre à part entière du groupe, comme un modèle rassemblant les caractéristiques qui forment l’identité du groupe et le distinguent des autres groupes.

  • Promotion de l’identité : agir pour eux

Comme le propose les notions de leadership serviteur ou de leadership de niveau 54, un leader reconnu fait passer les intérêts du groupe avant les siens. En défendant les intérêts du groupe, le leader devient également son « champion »3.

  • Elaboration de l’identité : construire un sens du « nous »

En affirmant sa vision et en inspirant l’idéal à atteindre4, le leader construit activement un sens partagé d’appartenance au groupe. Le leader définit ainsi l’identité sociale du groupe, dans son contenu et ses aspirations3.

  • Incarnation de l’identité : faire que le sens du « nous » importe

Le leader se doit de concrétiser l’identité, de la rendre réelle et ainsi de donner du poids à l’appartenance au groupe. Cela implique des activités, des structures, des évènements qui incarnent l’identité du groupe dans le réel. Ainsi le groupe gagne de l’impact sur le reste du monde et permet à ses membres de récolter les bénéfices de leur appartenance au groupe du leader3.

 Les fruits du leadership identitaire

En quoi tout ceci est-il bénéfique à l’entreprise et ses employés ? Voici la réponse fournie par divers travaux, le tout en image !5

Conséquences du leadership identitaire

Ainsi, le leader, en s’érigeant en porte-étendard du groupe, œuvre pour l’identité partagée de celui-ci. Ceci a des répercussions positives à la fois pour l’employé (confiance en l’équipe, satisfaction au travail, etc…) et son entreprise (engagement dans le travail, cohésion du groupe, etc…). En appliquant ces données et en formant ses leaders à cette forme de leadership basé sur l’identité, l’entreprise peut générer des retombées bénéfiques en termes de performance et de bien-être des employés.

Références

  1. Turner, J. C., Hogg, M. A., Oakes, P. J., Reicher, S. D., & Wetherell, M. S. (1987). Rediscovering the social group : A self-categorization theory. Cambridge, MA, US : Basil Blackwell
  2. Haslam, S. A., Reicher, S. D., & Platow, M. J. (2011). The new psychology of leadership : Identity, influence and power. London & New York : PsychologyPress
  3. Steffens, N. K., Haslam, S. A., Reicher, S. D., Platow, M. J., Fransen, K., Yang, J., … & Boen, F. (2014). Leadership as social identity management: Introducing the Identity Leadership Inventory (ILI) to assess and validate a four-dimensional model. Leadership Quarterly, In-press.
  4. Robbins, S., Judge, T., & Tran, V. (2011). Comportements organisationnels. (16th ed.). Paris: Pearson
  5. Voir : De Cremer, van Dijke & Mayer, 2010 ; Giessner & van Knippenberg, 2008 ; Koivisto, Lipponen & Platow, 2013 ; Platow, Hoar, Reid, Harley & Morrison, 1997 ; Platow, van Knippenberg, Haslam, van Knippenberg & Spears, 2006; Steffens, Haslam & Reicher, 2014 ; Steffen, Haslam, Reicher et al., 2014 ; Ullrich, Christ & van Dick, 2009.

Benjamin Pastorelli

Benjamin est docteur en psychologie, consultant, thérapeute et enseignant au Mary Immaculate College (Irlande) Son expertise se centre autour de la diversité, de l'inclusion, des discriminations et de l'interculturalité. Il œuvre pour la mise en valeur des différences et la lutte contre les discriminations, afin de libérer le potentiel de la diversité. Benjamin est aussi vulgarisateur scientifique et blogueur depuis de nombreuses années.