Diversité : opportunité ou difficulté ?

La diversité est devenue une question importante pour les entreprises et les organisations de manière générale. Que ce soit pour des raisons idéologiques ou de performance, pour leur image ou sous des contraintes légales, beaucoup d’organisations cherchent ouvertement la diversité parmi leurs collaborateurs et collaboratrices.

Pourtant, Milliken et Martins1 concluaient déjà en 1996 que la diversité est une « double-edged sword », une épée à double tranchant, qu’elle a des avantages et des inconvénients.

Voyons ce qu’il en est, avant d’essayer de comprendre pourquoi la diversité a à la fois des effets positifs et négatifs.

Le bon côté de la diversité

De nombreux travaux montrent que la diversité a de multiples bienfaits pour le monde organisationnel.

Entre autres, la diversité :

  • Stimule la productivité2
  • Favorise innovation3
  • Augmente la performance financière4
  • Améliore la performance sociale (RSE)5

L’idée générale derrière l’explication de ces effets positifs est que la diversité amène une variété d’idées, de connaissances, de points de vue, etc. Cette variété dans les informations disponibles dynamise le travail et permet une meilleure réussite.

Le mauvais côté de la diversité

Malheureusement, la diversité vient aussi avec son lot de difficultés. Certaines études mitigent les résultats présentés ci-dessus.

Entre autres, la diversité :

  • Augmente les incompréhensions6
  • Diminue la satisfaction au travail7
  • Réduit l’attachement à l’équipe8

Ces effets sont généralement expliqués par des processus de catégorisation sociale, un concept bien connu des sociopsychologues. En voyant de diversité au sein de notre équipe, notre cerveau a tendance à créer des catégories « nous » et « eux ». Sous certaines conditions, cette catégorisation peut ouvrir aux préjugés, aux stéréotypes et à la discrimination. Ceux-ci, bien sûr, gênent le bon déroulement du travail.

Une diversité, des diversités… ou pas

En somme, la diversité montre tantôt des effets positifs, tantôt des effets négatifs. Pour répondre à cette ambiguïté, il a été proposé qu’il n’existait pas une, mais des diversités. Celles-ci pouvaient être classées en deux types, l’un correspondant aux effets positifs et l’autres aux négatifs.

Le premier type est la « diversité de profondeur ». Elle correspond à la diversité qui ne se voit pas directement, comme par exemple la diversité de formation, de valeurs, de personnalité, etc. Les diversités de profondeur seraient bénéfiques, car elles amènent une variété d’informations et de points de vue. Mais elles restent suffisamment invisibles pour empêcher la catégorisation.

Le deuxième est la « diversité de surface ». Elle correspond à des diversités plus explicites, comme la diversité culturelle, de genre, d’âge, etc. Ces diversités auraient des effets plus délétères, parce qu’elles sont souvent liées à des stéréotypes forts.

Cette dichotomie a eu (et a toujours) beaucoup de succès. Pourtant, plusieurs méta-analyses* (dont certaines ont presque 20 ans !9), incitent à abandonner cette conception de la diversité. C’est notamment le cas de celle de van Dijk, van Engen et van Knippenberg, une équipe de recherche néerlandaise10, qui montre que cette approche ne permet pas d’expliquer les effets observés de la diversité. Allons plus loin.

* Une méta-analyse est une méthode scientifique visant à analyser conjointement les résultats issus de nombreuses études antérieures.

Les deux faces de la diversité

Cette dichotomie surface/profondeur a pourtant le mérite de mettre en avant deux aspects de la diversité. Globalement, il semble bien que tous les types de diversité aient à la fois une part de surface et une part de profondeur : ce sont les deux faces d’une même pièce.

Par exemple, la diversité culturelle possède à sa surface une variété d’accents, de noms, de styles vestimentaires, de faciès, etc. Mais en profondeur, elle comporte aussi des différences de valeurs, de représentations, de connaissances, etc.

Il est possible de faire ce travail pour chaque type de diversité. Chacun d’eux possèdent une part de surface et une part de profondeur, plus ou moins grande.

La diversité culturelle possède à la fois des éléments de surface et des éléments de profondeur.

Vers une intégration

Mais en quoi cela nous avance ? En quoi cela nous aide à comprendre pourquoi la diversité a parfois des effets positifs et parfois des effets négatifs ?

Van Knippenberg, De Dreu et Homan11 ont proposé (et montré par la suite) que les deux faces de la diversité entrent en interaction. Selon cette conception, la diversité est à l’origine de bienfaits pour la performance des équipes de travail. Mais, dans le même temps, elle peut créer des difficultés relationnelles, sous certaines conditions. Ces difficultés vont limiter l’impact positif de la diversité sur la performance de l’équipe.

Version simplifiée du Categorization-Elaboration Model de Van Knippenberg, De Dreu et Homan11

L’effet global de la diversité est alors une question de balance entre ces deux aspects. Si la force de la part « surface » est plus grande que celle de la part « profondeur », alors la diversité aura un impact négatif. Dans le cas contraire, elle aura un effet positif sur l’équipe.

Le modèle prévoit que la force de la part « surface » dépende du contexte. Par exemple, un environnement de travail bienveillant et favorable à la diversité limitera son rôle négatif et libérera tout son potentiel positif.

Conclusion

Bien sûr, ce modèle est présenté ici de manière simplifiée. Notre volonté est d’aller au-delà de la dichotomie surface/profondeur et de vous présenter une approche plus réaliste et plus actuelle de la diversité et de ces effets.

La diversité reste un phénomène complexe. Elle doit être comprise globalement et en prenant en compte le contexte. L’environnement de travail joue un rôle essentiel concernant les conséquences (positives ou négatives) de la diversité. Il est également un levier important de la réussite des politiques de diversité et d’inclusion dans les entreprises et les organisations en général.

Aller plus loin

Références

  1. Milliken, F. J., & Martins, L. L. (1996). Searching for common threads: Understanding the multiple effects of diversity in organizational groups. Academy of Management Review, 21(2), 402–433. https://doi.org/10.5465/AMR.1996.9605060217
  2. Saxena, A. (2014). ScienceDirect Workforce Diversity: A Key to Improve Productivity. Procedia Economics and Finance, 11(14), 76–85. https://doi.org/10.1016/S2212-5671(14)00178-6
  3. Parrotta, P., Pozzoli, D., & Pytlikova, M. (2014). The Nexus between Labor Diversity and Firm ’ s Innovation. Journal of Population Economics, 27(6972), 303–364. https://doi.org/10.1007/s00148-013-0491-7
  4. Salloum, C., Jabbour, G., & Mercier-Suissa, C. (2019). Democracy across Gender Diversity and Ethnicity of Middle Eastern SMEs: How Does Performance Differ? Journal of Small Business Management, 57(1), 255–267. https://doi.org/10.1111/jsbm.12336
  5. Dodd, O., Frijns, B., & Garel, A. (2019). Cultural diversity in the boardroom and corporate social performance. SSRN 3389707, 1–42. Retrieved from https://www.nzfc.ac.nz/papers/updated/49.pdf
  6. Vacherand-Revel, J. (2017). Le travail coopératif d’équipes de projet d’ingénierie à l’épreuve de l’activité en réunion médiatisée et multi-localisée. Psychologie Du Travail et Des Organisations, 23(2), 89–116. Retrieved from https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1420253017300109
  7. McKay, P. F., Avery, D. R., Tonidandel, S., Morris, M. A., Hernandez, M., & Hebl, M. R. (2007). Racial differences in employee retention: Are diversity climate perceptions the key? Personnel Psychology, 60(1), 35–62. https://doi.org/10.1111/j.1744-6570.2007.00064.x
  8. Luijters, K., Van der Zee, K. I., & Otten, S. (2008). Cultural diversity in organizations: Enhancing identification by valuing differences. International Journal of Intercultural Relations, 32(2), 154–163. Retrieved from https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0147176707000740
  9. Webber, S. S., & Donahue, L. M. (2001). Impact of highly and less job-related diversity on work group cohesion and performance: a meta-analysis. Journal of Management, 27(2), 141–162. https://doi.org/10.1016/S0149-2063(00)00093-3
  10. van Dijk, H., van Engen, M. L., & van Knippenberg, D. (2012). Defying conventional wisdom: A meta-analytical examination of the differences between demographic and job-related diversity relationships with performance. Organizational Behavior and Human Decision Processes, 119(1), 38–53. https://doi.org/10.1016/j.obhdp.2012.06.003
  11. van Knippenberg, D., De Dreu, C. K. W., & Homan, A. C. (2004). Work Group Diversity and Group Performance : An Integrative Model and Research Agenda. Journal of Applied Psychology, 89(November 2015), 1008–1022. https://doi.org/10.1037/0021-9010.89.6.1008

Image de couverture : rawpixel

Benjamin Pastorelli

Benjamin est docteur en psychologie, consultant, thérapeute et enseignant au Mary Immaculate College (Irlande) Son expertise se centre autour de la diversité, de l'inclusion, des discriminations et de l'interculturalité. Il œuvre pour la mise en valeur des différences et la lutte contre les discriminations, afin de libérer le potentiel de la diversité. Benjamin est aussi vulgarisateur scientifique et blogueur depuis de nombreuses années.